On avait tendance à l’oublier, mais le Punk Rock Holiday reste le meilleur festival punk d’Europe
Enfin. IL-EST-DE-RE-TOUR. Après 3 ans d’absence pour les raisons que l’on connait tous (c’est l’histoire d’une personne en Chine qui aurait mangé un pangolin, un truc comme ça), le meilleur festival punk d’Europe peut reprendre ses droits. Prévue initialement pour 2020, l’édition anniversaire du Punk Rock Holiday (ou PRH pour les intimes) a enfin pu se tenir en 2022. Un 10e anniversaire fêté avec 2 ans de retard, mais célébré comme il se doit avec une affiche toujours aussi dense.
Évidemment, le festival a connu son lot de changements dans le line-up initial, allant jusqu’à l’annulation de sa grande tête d’affiche, Bad Religion, à une semaine du début du festival.
Pour ceux qui m’ont contrarié, je pourrais citer les retraits de Moscow Death Brigade (déjà vu 3 fois, mais ça aurait été une ambiance incroyable dans ce festival), H2O (l’un de mes groupes préférés), The Adolescents (que je n’aurai toujours pas pu voir en live) ou encore Refused (ils n’ont pas sorti d’album correct depuis deux décennies au moins, mais ça doit toujours être un bon moment en concert). Au niveau des ajouts qui m’enchantent, on trouve Spaced, Comeback Kid, Descendents (aussi un de mes groupes préférés) ou les quasi-inespérés The Interrupters.
Mais d’abord, vous devez certainement vous dire « meilleur festival punk d’Europe, comme tu y vas ». Peut-être bien. Quoi qu’il en soit, ce festival a une atmosphère et un cadre uniques, que n’hésitent d’ailleurs pas à rappeler les artistes participants à cette grand-messe, que ce soit sur scène comme en interview. En effet, il n’est pas rare d’entendre des superlatifs comme « meilleur festival (du monde) », « toujours un plaisir de venir ici », ce genre de choses.
De vraies vacances, accompagnées par le punk rock
Pour décrire un peu plus en détail le PRH, c’est donc un cadre : Tolmin, dans la vallée de la Soča, région de la très verte Slovénie. C’est une main stage entre les arbres et une beach stage au bord de l’eau. C’est un décor de verdure coincé entre les montagnes, un endroit qui justifie parfaitement le qualificatif de « holiday« . On y campe dans la forêt, on se pose sur la plage pour faire trempette dans la (très) fraîche Soča en attendant le début des concerts, on sirote le fameux melon ball dont on entend parler aux 4 coins du site, et on vit sa meilleure vie sous le soleil slovène, en espérant toutefois que les orages nous épargnent.
Même les travaux routiers qui enlaidissent un peu les abords du festival et menaçaient sa continuité à cet endroit n’ont pas altéré tous ces plaisirs.
Le PRH, c’est aussi une ambiance. Un public d’amoureux du punk (et de ses dérivés), de gens tous ici pour voir les mêmes groupes, qui viennent des 4 coins de l’Europe et du Monde (mais avec une majorité d’Allemand.e.s, ce que l’on constate quasi-instantanément dès que l’on se gare ou que l’on franchit les premiers filtres sur site). Un public dans son ensemble très respectueux, solidaire et amical, ce qui nous évite les poseurs, les costumes gênants à la Borat, et autres choses plus ou moins désagréables (même si, évidemment, on n’est jamais à l’abri de quelques comportements problématiques, l’alcool aidant d’autant plus).
Niveau scènes, pas de crash barrières, une sécurité plutôt bienveillante, et la possibilité de s’essayer au stage diving encore et encore. Bien souvent, les concerts se concluent en apothéose avec un envahissement de scène et des sing-alongs à n’en plus finir.
Côté pratique enfin, le PRH est un festival resté à taille humaine. Plusieurs milliers de spectateurs certes, mais un site que l’on peut traverser en une dizaine de minutes, des bars et stands de nourriture habillement répartis, 2 scènes utilisées à des moments différents de la journée et qui ne sont distantes que de quelques minutes l’une de l’autre, des concerts qui ne se chevauchent pas… Bref, disons que globalement l’expérience est plutôt satisfaisante. Toutes ces raisons expliquent aussi le fait que les billets partent en quelques heures lors du lancement des pré-ventes, qui a lieu début septembre… Pour un festival se tenant lors de la 1re quinzaine d’août et pour lequel on ne connaît encore aucun des artistes s’y produisant !
Et côté musical, ça donne quoi ?
Après ce petit passage promotionnel (et absolument pas financé par les ministères slovènes du tourisme ou de la culture), passons aux choses sérieuses.
C’est la 3e édition consécutive à laquelle on s’est rendus avec les copains, mais c’est la 1re fois que l’on a pris la peine de se pointer au warmup show du lundi (pour un festival se tenant officiellement du mardi au vendredi). Les années précédentes, nous avions préféré prolonger nos visites de l’Italie plutôt que d’assister à des levers de rideau dont l’affiche ne nous chauffait pas spécialement. Pour 2020, la journée devait se conclure avec The Real McKenzies, The Adolescents et Refused. Finalement, on aura bien les Canadiens, mais les deux dernières têtes d’affiche ont été remplacées par Ignite et Descendents.
Nous avons donc démarré nos pérégrinations musicales par The Real McKenzies, le groupe de punk celtique débarqué de Vancouver. 4e fois que je les voyais en concert, et j’ai remarqué un line-up différent et quasi-entièrement renouvelé pour au moins 3 d’entre eux. À part l’immuable chanteur, tous les autres membres changent au gré des albums et des tournées. Je dirais que leur performance ne restera pas dans les annales, même si le côté festif finit toujours par s’emparer de la foule.
Le moment fut venu d’enchaîner sur Ignite, déjà vu en ces lieux lors de l’édition 2019. Entretemps, un changement de taille : le départ de leur chanteur historique Zoli Téglas. Si leur nouveau front man a des caractéristiques vocales proches de celles de Zoli (que l’on peut entendre sur leur dernier album en date), je trouve qu’il a quand même un peu de mal à assurer un chant juste tout au long du set. Par contre, il a un charisme indéniable et une présence scénique qui effacent ces quelques défauts. D’autant plus que le combo du Comté d’Orange a empilé les classiques face à un public conquis.
Pour conclure ce lundi dans la joie et la bonne humeur, l’orga nous proposa les Descendents, mythique groupe d’Hermosa Beach qui fait toujours l’unanimité. Habitués du festival, Milo Aukerman et sa bande ont aussi la fâcheuse réputation de faire venir la pluie dès qu’ils s’apprêtent à y jouer. C’était par exemple le cas lors de leur dernière apparition en 2019, comme j’ai pu malheureusement le constater.
Cette année, pas de pluie à l’horizon, ou alors une pluie de tubes. En effet, le quatuor aura pioché dans son long répertoire pour nous sortir classique sur classique, notamment des périodes Milo goes to College et Everything Sucks, contentant ainsi le plus grand nombre. Étant un fan inconditionnel des Californiens, j’avais forcément de l’émotion devant le show auquel j’assistais. Malgré tout, je pense qu’ils ont réalisé une prestation aboutie, meilleure que celle de 2019 où la météo exécrable ne m’avait pas permis d’en profiter à fond. Il y a 3 ans, j’avais aussi l’impression que Milo (chanteur du groupe et légende de la scène punk) avait du mal à assurer certaines parties comme il se doit.
Le mardi arrivant, c’est le retour de la beach stage. Personnellement, je suis arrivé sur place pour l’avant-dernier groupe, en attendant Petrol Girls dont j’espérais beaucoup. Et bien m’en a pris. C’est ainsi que j’ai pu assister au set ultra-carré de Spaced, groupe de hardcore nous venant de Buffalo dans l’état de New York. Le plus drôle là-dedans : j’étais déjà tombé sur eux via Spotify, j’avais déjà écouté leur dernier skeud (que j’avais bien aimé), mais je n’avais absolument pas capté qu’iels étaient présent.e.s ici.
Emmené par une chanteuse déchainée, ce sympathique quintette propose un hardcore acéré, que l’on sent évidemment influencé par la scène newyorkaise. Les morceaux ne doivent jamais dépasser les 2 minutes, les riffs nous invitent à lâcher nos plus beaux 2-steps et autres moulinets, bref c’est le HxC comme on l’aime : simple et efficace. L’énergie transmise par l’hurleuse en chef m’a impressionné, et ce concert forcément court se conclua par une deuxième fournée de leur morceau phare Prove You Wrong. Une telle prestation sous le soleil et au bord de l’eau, c’est comme une bonne cure de vitamines pour continuer la journée sous les meilleurs auspices.
S’en suit donc Petrol Girls, et autant le dire tout de suite : on est encore montés d’un cran supplémentaire dans la rage. 2 femmes, 2 hommes, iels nous viennent d’Autriche et du Royaume-Uni et font dans un post-hardcore particulièrement engagé. Ren Aldridge, la charismatique leader du groupe, a débarqué dans un short à paillettes du plus bel effet pour nous crier sa rage avec force et conviction. Des morceaux aux paroles sans équivoques, entrecoupés de discours qui prennent aux tripes : tel aura été le programme de cette fin d’après-midi pour la tête d’affiche de la beach stage. Dans son viseur, beaucoup de sujets : le harcèlement sexuel/de rue, le droit (bafoué) à l’avortement, la condition des femmes et des minorités de genre/sexuelles, et plus globalement les injustices.
J’ai beaucoup aimé Baby, le dernier album en date des Petrol Girls, et j’attendais de voir ce que ça pouvait donner sur scène. Y a pas à dire, c’était quand même la claque : des morceaux parfaitement exécutés, une chanteuse possédée qui n’a pas son pareil pour communier avec le public et qui a vraiment l’air de passer un bon moment. Le tout saupoudré de ses pas de danses ironiques, de roulades ou d’imitations d’animaux pour accompagner un bon gros son.
Après quoi fut venu le moment de remonter vers la main stage, où j’ai assisté aux prestations de Get Dead et d’Authority Zero en étant en dedans. Non pas que les prestations de ces deux groupes étaient mauvaises (au contraire), mais disons qu’il fallait garder de la force et de l’influx nerveux pour la suite. Et que, de surcroit, j’ai déjà pu les voir sur scène, ici ou ailleurs.
Get Dead nous vient de San Francisco et donne dans un punk mâtiné de folk, tandis qu’Authority Zero débarque tout droit d’Arizona et a quelques influences reggae ou ska. Comme toujours, il y eut une belle communion avec le public, que ce soit volontairement ou fortuitement (par exemple quand quelqu’un monte sur scène pour partager un moment plus ou moins embarrassant avec le groupe). Le chanteur d’Authority Zero finira ainsi dans la fosse, à se placer au milieu d’un circle pit gigantesque qu’il aura contribué à créer.
Vient donc, en ce qui me concerne, le point d’orgue de la soirée : Comeback Kid. Ai-je besoin de présenter les Canadiens et leur hardcore « hymnesque » ? Andrew Neufeld et ses ouailles ne sont clairement pas venus pour enfiler des perles, plutôt pour filer des pains.
Comeback Kid, énervés comme jamais
Après un Heavy Steps (issu du dernier – très bon – album du même nom) qui chauffa doucement le public, l’arrivée du classique parmi les classiques False Idols Fall finira de mettre la fosse en ébullition. Ça courait de partout pour se lancer en crowd surfing, et ça voulait brailler chaque refrain dans le micro d’un Neufeld remuant, qui sait s’y prendre pour haranguer un public qui, il est vrai, n’avait pas tellement besoin de se faire prier. CBK était là pour enchaîner banger sur banger, triés sur le volet pour un set absolument ravageur. C’est bien simple : on aurait dit que chaque morceau fut choisi pour provoquer un bordel indescriptible dans la fosse et que l’on se fasse tous tartiner la gueule par des riffs imparables.
Évidemment, le set s’est conclu sur l’immanquable Wake the Dead, où la scène fut envahie avant même que le morceau n’ait réellement débuté, cela va sans dire.
On se quittera pour aujourd’hui avec les Suédois de No Fun At All, qui joueront en intégralité leur grand classique Out of Bonds plus quelques extras. Bien que sans folie, on aura je pense tous passé un moment agréable à écouter leur skate punk qui fait toujours son petit effet.
Mercredi pointe déjà le bout de son nez, et nous commençâmes la journée tardivement avec Direct Hit!, groupe pop punk de Milwaukee qui clôturait l’après-midi sur la beach stage. Bon, autant vous avouer que j’ai suivi ça d’un seul œil et d’une seule oreille, et donc que je vais m’abstenir de toute analyse un tant soit peu étayée et pertinente.
Direction ensuite la main stage pour aller voir The Flatliners. Étant tout de même un groupe expérimenté avec une petite réputation dans le milieu, je m’attendais à passer un moment sympathique devant les Canadiens. Finalement, je n’ai vraiment pas trouvé ça transcendant, même s’ils ont envoyé de bonnes ondes.
Pas bien grave, sachant que The Boucing Souls allaient prendre la relève sans trop tarder. Je dois dire que j’étais impatient de voir (enfin !) les gars du New Jersey sur scène. Bon nombre de leurs chansons sonnent comme des hymnes et elles ne pouvaient qu’être bonifiées encore davantage à l’épreuve du live.
Autant prévenir d’entrée : je n’ai pas été déçu.
C’était soir de match pour les Bouncing Souls
En effet, nos amis de la côte est ont enchaîné leurs tubes les plus marquants, jalonnant une carrière longue de plus de trois décennies. Un peu comme Comeback Kid la veille, ce fut une véritable sélection de morceaux calibrés pour rendre fou le public du festival. Olé! ou Here we go furent scandés par la foule comme dans une tribune de foot, ça chantait en chœur les refrains de Lean On Sheena ou de Gone, et les sing-alongs de Manthem ont mis au chômage technique un front man ma foi plutôt élégant. Bref, c’était une véritable ambiance digne des grands soirs en Ligue des Champions.
Comme on s’y était préparés, True Believers est venu conclure en beauté cette prestation consistante. Et personne n’a pu résister à un nouvel envahissement de scène par nous autres festivaliers, voulant à tout prix s’époumoner à n’en plus finir.
Le temps de se remettre de ses émotions (et de souffler un peu) et voilà que Lagwagon s’installe. On ne présente plus les Californiens, véritables pointures du genre, qui écument les festivals en tête d’affiche depuis des décennies. J’ai déjà eu l’occasion avant ça de les voir trois fois dans différents festoches, et à chaque fois je me suis sauvé avant la fin du set. Pêle-mêle la fatigue, le manque d’intérêt ou la voix défaillante du chanteur (à ce même PRH, édition 2018) ont eu raison de moi. La 4e tentative fut-elle la bonne ?
La réponse est oui. Ça n’est toujours pas mon groupe favori, mais la prestation était assez sérieuse pour retenir mon attention. D’autant plus que leurs fans ont eu l’air d’avoir vécu un moment cool, de quoi aurais-je dû me plaindre après tout ?
Pour finir la soirée, on s’est installés en bonne place pour suivre le set des Flogging Molly, emblématique formation de punk celtique originaire de Los Angeles. Iels étaient nombreux.ses sur scène, étaient plutôt looké.e.s, et ont directement démarré par Drunken Lullabies : le décor était planté.
Tout le monde a passé un bon moment, et il faut dire que le rythme si spécifique à ce style musical y fut pour beaucoup. Il suffisait de se retourner pour se rendre compte que ça pogotait pratiquement jusqu’à la régie, dans une ambiance bon enfant. Les morceaux se sont enchaînés, j’ai trouvé que ça se ressemblait pas mal au final, mais le concert valait largement le coup.
Le jeudi, direction la beach stage de bonne heure pour assister au set des Français de P.O. Box. Cocorico. Plus de deux décennies que les Nancéens parcourent les 4 coins de l’Europe pour asséner leur ska punk doté d’une section de cuivres. Et c’est tout naturellement que j’ai vu pour la première fois ces gars bien de chez nous à pratiquement 1 000 bornes de la mère patrie.
Ce fut un show ô combien énergique, accompagné de quelques blagues démontrant une maîtrise parfaite de la langue de Chuck Norris : parfait pour débuter l’après-midi plus tôt qu’à l’accoutumée. Il aura même été clôturé par un spectateur monté sur scène pour exploser sa Stratocaster au milieu du groupe. Le coup était prémédité, puisqu’il s’était donné la peine d’envoyer un message en amont pour prévenir de son méfait. Il aura galéré comme il se doit mais aura finalement réussi sa mission. Hip hip hip…
Après s’être éclipsés quelques instants, nous réapparaitrons pour assister à la perf’ d’Abraskadabra, encore du ska punk avec des cuivres mais débarquant cette fois-ci du Brésil. Ces gars-là avaient l’air de kiffer le moment, communicant leur bonne humeur à un public composé en partie de compatriotes se faisant remarquer comme il se doit. L’originalité du groupe, c’est le partage du chant entre plusieurs membres, qui pouvaient ainsi profiter chacun de leur moment de gloire.
Évidemment, ça a lancé quelques insultes à Bolsonaro, et leurs fans ont fini sur scène à brandir des étendards à la gloire de Lula, à quelques semaines d’une élection présidentielle particulièrement attendue. Mention spéciale au troll qui s’est pointé sur scène avec un maillot de l’Argentine floqué Maradona au beau milieu des chandails de Palmeiras, du São Paulo FC et consorts.
Une fois n’est pas coutume, nous nous sommes pratiquement implantés sur la beach stage. Après avoir suivi de loin le set pourtant très carré des Australiens de The Decline, j’ai bien apprécié la prestation des sympathiques MakeWar. Les Newyorkais ont donné dans un pop punk très mélodique, parfois aux frontières de l’emo, et comme beaucoup d’autres ont transmis de bonnes ondes, ont communiqué abondamment avec le public et ont savouré l’instant présent. Petit bémol toutefois : j’aime beaucoup le morceau American Futbol, et celui-ci n’a pas été joué. Dommage pour moi.
Après une après-midi dense au bord de l’eau, il est venu le moment de remonter vers la main stage pour les Suédois de Misconduct. Sur la même scène en 2018, ils avaient mis une jolie ambiance, et j’espérais que ça soit la même chose cette année. Premier constat : à part l’indéboulonnable leader du groupe, le reste de la bande a changé en intégralité ou presque. Un détail me direz-vous. Deuxième constat : leur reprise du fédérateur Bro Hymn aura été le moment où le public clairsemé aura été le plus agité. Aïe.
Être coincés entre les attendus The Baboon Show et Zebrahead n’a certes pas aidé, mais leur prestation en demi-teinte n’a pas été un coup de boost pour autant. Le chanteur-guitariste a parfois donné l’impression de mener péniblement sa barque, malgré des efforts indéniables pour lancer les hostilités. Les morceaux ne s’enchaînaient pas très bien, et il y avait comme une sensation de flottement à plusieurs moments. J’avais de la peine pour eux finalement, car la bonne volonté était là mais quelque chose avait l’air de coincer dans l’exécution.
Passons donc à Zebrahead, et autant être franc d’entrée de jeu : musicalement, je n’ai pas du tout accroché. Je les connaissais mal avant de les voir en concert, et j’ai eu l’impression d’assister à un concert de néo-métal. Ça avait un côté « mariole », avec un chanteur en hoodie qui rappait, et des morceaux à la limite de la pop.
Ceci étant dit, quelle ambiance encore une fois ! La majorité de la foule scandait à tue-tête chaque morceau, puis s’en donnait à cœur joie lorsque les membres du groupe réclamaient la formation de circle pits (et les incitations ont été nombreuses). Ce qui a bien aidé aussi, c’était la présence de roadies (?) déguisés en squelette, qui préparaient des cocktails sur des stands prévus à cet effet… Jusqu’à ce que l’un d’eux se lance dans un crowd surfing endiablé, posé sur une pastèque gonflable.
Des Californiens prendront ensuite la relève d’autres Californiens. En tout cas, le leader des Mad Caddies l’est, puisqu’il s’est fait lourder par le reste du groupe avant de partir en tournée en Europe. Il a réussi en tout cas à reconstituer un groupe en recrutant des musiciens au pied levé, dont certains (au moins) venaient de différents pays d’Europe.
J’avais déjà eu l’occasion de les voir lors du PRH 2018, et je n’avais pas du tout accroché au point de partir avant la fin du concert. Cette année, j’ai pu tenir jusqu’au bout et passer un bon moment devant un set quasi-exclusivement tourné vers le ska et le reggae. En plus, c’était une bonne mise en condition pour le gros morceau qui allait arriver.
The Interrupters, de l’attente et de l’émotion
En effet, le 3e groupe californien à débarquer dans cette soirée est l’un des grands noms de l’affiche. The Interrupters ont une bonne décennie d’existence, ont sorti un 4e album quelques jours avant leur présence en Slovénie, mais ont surtout connu une ascension fulgurante. En 2016, je les avais vu.e.s au Poste à Galène à Marseille, juste après la sortie de leur 2e album, dans une salle de 250 personnes environ. Quelques mois plus tard, iels faisaient une tournée mondiale en 1re partie de Green Day et jouaient devant des stades remplis à craquer. Depuis ce sont diffusions radio, couvertures de magazines et passages dans les late shows qui rythment leur quotidien, en plus d’être en bonne place dans les charts américains et mondiaux.
Aimee et les frères Bivona ont longtemps été dragué.e.s par l’organisation du festival, iels n’étaient même pas prévu.e.s pour l’édition originale de 2020, mais les voilà qui ont finalement débarqué pour ce qui était probablement le show le plus attendu de la semaine. Pour se préparer au mieux, on a évidemment pris le soin d’écouter le petit dernier, In The Wild, qui malheureusement est en deça de ses prédécesseurs. Comme je le craignais, le son est de plus en plus lisse et les compos calibrées pour des diffusions radiophoniques. Après, le live est un exercice très différent, et le répertoire du groupe assez large pour balayer les périodes les plus plaisantes.
Évidemment, le combo de Los Angeles n’a pas failli à sa réputation : c’était rodé comme jamais, ça a empilé les tubes et ça a ravi un public acquis à sa cause depuis bien longtemps. Dès Take Back The Power lancé, ça sautait joyeusement de partout, ça chantait chaque refrain à s’en briser les cordes vocales, bref ça a été un moment exceptionnel. Du punk à crête en perfecto clouté, jusqu’à l’adolescente dont on n’aurait jamais pu se douter qu’elle pouvait trainer dans ce genre de soirée, le ska punk des Interrupters aura je pense fait l’unanimité.
Le temps semblait passer trop rapidement, la setlist paraissait bien trop courte alors que l’envie de s’éterniser ici ne manquait pas, et j’ai eu cette impression comme quoi quelque chose de magique se passait. Il n’y a pas eu la superbe reprise du Bad Guy de Billie Eilish que j’attendais, mais comment râler après une telle soirée ?
Je l’ai trouvée tellement belle qu’arrivé au dernier morceau (She’s Kerosene), j’avais pratiquement envie de chialer. En tout cas, le groupe qui s’était présenté devant nous avait également l’air très ému. On aurait pu craindre de la distance avec le public, une sécurité sur les dents à qui on aurait demandé de redoubler de vigilance, et bien même pas. Il y a eu des accolades, des touchers de main, une partie de la foule qui est montée sur scène à plusieurs reprises. Et pour finir en beauté, une chanteuse qui a accordé de son temps pour discuter avec les fans et faire des selfies après le concert. Une nuit où tout le monde aura fini content, finalement.
Voici venu le moment tant redouté : l’avènement du dernier jour. Et ce vendredi est marqué par la pluie, qui nous avait épargnés jusqu’ici. Un bon début d’après-midi sous la flotte, une chute importante de la température et une atmosphère humide qui nous a obligés à sortir couvert. Heureusement, les averses se sont arrêtées avant les concerts que l’on voulait voir.
On fera « l’effort » de se déplacer sur la beach stage seulement pour assister au set des Romains de Thousand Oaks. Un skate punk des familles qui a permis de réchauffer l’atmosphère, et de se préparer comme il se doit pour une fin de journée absolument DANTESQUE© sur la main stage.
Un vendredi copieux… même sans Bad Religion
Et c’est Chaser qui lança en premier les hostilités. Encore un groupe du Comté d’Orange, et encore un groupe de skate punk. Les présentations étant faites, leur prestation fut largement au niveau, avec un chanteur particulièrement fédérateur qui arrivait à motiver un public plutôt clairsemé.
Suivra une pointure du genre : Belvedere. Originaires de Calgary, Stewe Rawles et ses ouailles se sont présentés forts d’un nouvel album d’excellente facture sorti quelques mois plus tôt. Il y avait tout ce qu’on était en droit d’attendre d’un groupe avec une telle réputation : ce fut très carré, ça jouait vite et bien, le chant était à la hauteur… Mais, selon moi, il a manqué quelque chose. En effet, j’ai trouvé ça un peu frustrant d’avoir un chanteur-guitariste majoritairement statique. Le bassiste et le guitariste soliste avaient beau remuer et se démener, j’avais quand même l’impression d’être resté sur ma faim.
Après ceci est arrivé un des temps forts du festival : Anti-Flag. Groupe engagé s’il en est, le quatuor de Pittsburgh est un poids lourd de la scène punk actuelle. J’avais déjà eu la chance de les voir 3 fois auparavant et dans des configurations différentes, et ils avaient à chaque fois réussi à donner un nouvel intérêt à leur set. Bien sûr en publiant régulièrement de nouveaux albums, mais aussi en changeant la place des morceaux phares ou en introduisant des interactions avec le public. À titre d’exemple, j’ai en tête une mémorable prestation au Punk In Drublic 2019 où le show s’est ouvert par Die for the Gouvernment et s’est fini par Brandenburg Gate avec bassiste et batteur au milieu de la fosse.
Ici, ils n’ont pas vraiment fait dans la dentelle. Un enchaînement The Press Corpse–Die for the Gouvernment–Brandenburg Gate pour commencer, des classiques plus ou moins anciens disséminés ça et là (Fuck Police Brutality, Drink Drank Punk, This is the End, Broken Bones, etc.) et un medley sensationnel de reprises punk/hardcore en conclusion d’une setlist épaisse comme la roche.
Comme de coutume, les deux chanteurs se sont relayés à tour de rôle, que ce soit pour haranguer l’audience ou pour sauter sur scène. Avec une telle prestation, inutile de dire que la foule bien compacte en cette heure avancée était des plus déchaînées. Comme d’habitude, j’ai envie de dire.
Pour le coup, le groupe qui prendra la relève fera descendre un peu tout ceci. Il s’agissait des légendes Circle Jerks, groupe majeur du hardcore californien des premières heures. Je suis un gros fan, et pour tout dire je ne pensais pas qu’un jour je puisse les voir en concert. Mais quelle ne fut pas ma surprise lorsque, par une belle journée de 2019, ils annoncèrent une tournée en 2020 pour célébrer les 40 ans de l’excellentissime Group Sex. Bon, vous connaissez tous le scénario catastrophe…
Voilà donc que se sont présentés face à nous Keith Morris, Greg Hetson, Zander Schloss et le petit dernier Joey Castillo (que des monstres sacrés, jugez-en par vous-mêmes) pour nous faire avaler à toute vitesse une trentaine de morceaux ! Avec des compos dépassant rarement les 2 minutes, c’est finalement très simple d’en caser autant en 1h de temps.
Avec tout ça, je n’avais aucune attente particulière, je demandais juste à voir. Disons que le décor a été planté d’entrée : ça ne s’est pas emmerdé avec un backdrop, ça a déambulé sur scène comme ça l’aurait fait pour une répét’, et puis leur leader Keith Morris prit le micro pour une longue mise en abyme. Ça a donné à peu près ceci : « Oui bonsoir, on est les Circle Jerks, on est vieux sauf notre batteur Joey Castillo qui connaît tous nos morceaux mieux que nous-mêmes, on devait jouer en 2020 pour les 40 ans de notre 1er album Group Sex et au final on joue en 2022 pour les 40 ans de notre second album Wild in the Streets. Donc voilà, on va vous jouer une trentaine de morceaux pour fêter ça.«
Suite à quoi ils ont commencé à dérouler toute leur setlist, en jouant des chansons par paquets de 5 ou de 6, avant de s’arrêter pour une longue respiration, Morris reprenant la parole pour un laïus interminable. Ce vieux bougon a évoqué les choix difficiles pour élaborer la setlist, la manière qu’il a de traiter les autres membres du groupe, son côté despotique, etc. On y a entendu pêle-mêle quelques noms d’oiseaux, une énumération de synonymes et des remontrances lorsque quelqu’un dans le public lui faisait remarquer que ses histoires étaient quand même un peu longues.
En vrai, j’ai trouvé ça assez drôle. Il ne fallait clairement pas s’attendre à un show à la manière d’Anti-Flag, mais j’avoue que je ne m’attendais pas à un tel contrepied. Et, à vrai dire, on n’a pas eu le pit le plus agité de la semaine, ni le plus garni (même si, pour le coup, on a dû faire avec une armée de bas du front, soyons honnêtes).
Après tout ceci, le festival devait se clôturer en beauté avec Bad Religion… Mais ça, c’était sur le papier. Qu’à cela ne tienne : l’orga a décidé d’avancer son traditionnel karaoké punk rock et de le placer en main stage. Du moins, pour la 1re partie dont le choix des chansons et des interprètes a été convenu à l’avance. Ce karaoké est toujours un moment convivial, où les classiques du genre s’enchaînent pour le plaisir du plus grand nombre, mais disons qu’on en fait vite le tour. Surtout lorsque les mêmes interprètes reviennent d’année en année, avec exactement le même répertoire.
Quoi qu’il en soit, ce serait compliqué de reprocher quoi que ce soit à l’organisation, qui ne pouvait pas remplacer un tel groupe en si peu de temps. Finir le festoche sur un moment mettant en avant les festivaliers a été une bonne idée, et ça a été le moment choisi par les deux boss du PRH pour faire leurs remerciements, souffler les bougies et finir entartés dans un excès de gaieté.
Bon, il doit quand même y avoir un peu de négatif, non ?
Puisque tout ne peut pas être parfait, il faut quand même soulever quelques points agaçants. Si le billet pour 4 jours était à un tarif correct (120 € environ avec la TVA), il a fallu ajouter à cela des frais de réservation. Et ce n’était que le début. En arrivant sur place, nous avons également dû ajouter le prix du parking (25€ par voiture si l’on décide ensuite de camper dans la forêt) et le prix du camping (35€ en arrivant le lundi, ce qui faisait office de prix pour le warm up show et qui était somme toute logique). Il fallut ensuite prendre une carte cashless (un classique de festival), que l’on devait obligatoirement charger de 50€ ou 100€, et desquels furent déduits différents deposits (pour la carte en elle-même et pour les 2 sacs poubelles obligatoires par personne) et des frais de fonctionnement (mmh). Le tout donc pour 16€.
Si l’on compte bien, nous avons dépensé davantage en n’ayant pas encore franchi les portes du festival qu’au moment de la réservation du billet. Alors oui, d’autres festivals fonctionnent également de la sorte, d’autres non, mais c’est particulièrement désagréable cette impression d’avoir à raquer d’emblée et parfois sans trop savoir pourquoi. Heureusement, cette année la communication me paraissait meilleure à ce sujet et permettait de faire les bons calculs.
Autre point pénible : l’impossibilité de payer par carte bancaire. Les 50 ou 100 Euros demandés pour charger la paycard ? En cash. Les différents frais pour le parking ou le camping ? En cash. Besoin de recharger par la suite sa carte de paiement ? En cash, évidemment. La carte bancaire n’était possible que sur le stand de merchandising, non géré par le festival, et qui n’acceptait donc pas la cashless. Et pour retirer de l’argent, il valait mieux s’y prendre à l’avance ou monter en ville pour les plus courageux. Car sur place était présent un distributeur… Mais qui prélevait des frais exorbitants pour un simple retrait dans la même devise.
La nouveauté cette année, c’était la présence de pickpockets. Pour ma 3e participation au festival, c’était inédit de voir des dizaines de personnes chercher un téléphone ou un portefeuille dans la fosse, à la fin d’un concert et ce dès le premier jour. Ça me paraissait très bizarre comme coïncidence, quand les autres années j’assistais à cette scène pour une poignée de personnes sur toute la durée du festival. Les organisateurs avaient communiqué là-dessus en nous invitant à prendre nos précautions. Ils se sont résignés à faire appel à la police (qui était du coup présente sur site), avant d’affirmer que les auteurs de ces méfaits avaient fini par être appréhendés.
Première fois que j’assistais à ce genre de choses lors d’un tel événement, et je ne m’attendais pas à ce que ce soit sur ce festival. Pour le coup, c’était la faute à pas de chance. Mais ça obligeait à être sur ses gardes et ça rendait l’expérience forcément moins sympathique.
Finalement, la liste des points désagréables est quand même bien restreinte par rapport à la longue liste des choses qui rendent ce festival si particulier, et surtout si incontournable.
Pour conclure, il y a cette question que vous vous posez peut-être (ou peut-être pas) : vais-je y retourner une 4e fois de suite ? Ce n’est pas vraiment dans les plans, puisque j’ai aussi envie de voir ailleurs malgré tout l’amour que je porte au Punk Rock Holiday. Mais n’insultons pas l’avenir…
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