Kevin « Geordie » Walker n’est plus : cette blague qui tue qui ne passe pas
La nouvelle est tombée un dimanche soir de novembre, comme si ce n’était déjà pas assez morose. Kevin Walker, emblématique guitariste des légendaires Killing Joke, venait de décéder le matin même. Nous étions donc le dimanche 26 novembre 2023, et il a été emporté à l’âge de 64 ans des suites d’un AVC.
Surnommé « Geordie » selon le terme d’argot désignant les habitants de la région de Newcastle, il est l’un des membres d’origine du quatuor londonien, et le seul présent depuis sa création aux côtés du chanteur et claviériste Jeremy « Jaz » Coleman. C’est après avoir répondu à l’annonce que ce dernier et Paul Ferguson (batterie) ont fait paraître dans la presse que Walker a rejoint avec Martin « Youth » Glover (basse) ce qui s’appelait déjà Killing Joke, groupe qui aura au fil des années une influence majeure sur de nombreuses autres formations.
Adepte d’imagerie provocante et d’humour noir, ayant su imposer des paroles aux accents occultes et mythologiques, parlant des conflits géopolitiques ou plus globalement des dérives de l’humanité, Killing Joke aura connu différentes phases musicales durant son histoire longue de plus de quatre décennies. Son succès (tout du moins, son succès d’estime), il le doit en grande partie au jeu si caractéristique de Geordie Walker.
Atypique, puissant, aiguisé, aérien, profond (telle une superposition de couches) sont les adjectifs les plus adéquats pour qualifier cette marque de fabrique, tant dans l’exécution des riffs que dans les effets sonores utilisés, débouchant sur un rendu unique en son genre. Même si le style musical du groupe a su évoluer selon les époques (du post punk apocalyptique des origines à la lourdeur du rock industriel du début des années 90, en passant par une période new wave/rock gothique décriée sur la fin), sa virtuosité n’a jamais fait défaut. Pour moi (et pour beaucoup, finalement), trois albums sont à sortir du lot.
Tout d’abord, l’inévitable Killing Joke (1980), premier effort des Londoniens qui s’ouvre sur le divin Requiem. J’avais déjà évoqué ce qui est probablement ma chanson préférée, puisqu’il faut bien dire qu’elle a énormément d’atouts pour faire mouche et ne jamais lasser. Si cet opus est rempli de classiques, je sortirais également du lot le presque dansant Wardance et l’archi-oppressant The Wait, bande-son idéale pour contempler les éclairs déchirer le ciel sombre d’un jour d’orage.
Dans ce premier LP, c’est avant tout la noirceur qui prime. Autant au niveau des paroles que de la musique : un clavier minimaliste mais plein de motifs chaotiques, une section rythmique martiale, et pour accompagner le tout la voix abrasive de Jaz Coleman qui résonne comme celle d’un homme possédé. On ressent la décadence jusque dans la pochette.
Autre incontournable, Night Time (1985), 5e album studio du groupe et le plus marquant dans leur virage new wave. Plus accessible, Coleman y donne dans le chant clair et mélodique, la section rythmique restant elle fidèle à ses habitudes (batterie tribale, basse chaloupée). Du côté de Walker, reconnaissable à sa démarche caractéristique et à ses allures de Johnny Hallyday jeune, la disto est moins prépondérante et les effets de type delay ou reverb sont plus que jamais présents.
On y trouve deux des tubes les plus connus du groupe : le grandiose Love Like Blood et Eighties, dont le riff principal risque de vous rappeler quelque chose (oui, il y a bien eu accusations de plagiat quelques années plus tard).
Enfin, si l’opus le plus marquant de leur période rock indus est certainement Pandemonium (1994), mon coup de cœur (et peut-être celui de la bande que je préfère) est pour… Killing Joke (2003), du même nom que leur tout premier LP. Un son résolument métal, une grosse production, et des morceaux tellement cohérents qu’il est difficile d’en sortir un plus qu’un autre (bon allez, je dirais tout de même The Death & Resurrection Show, Asteroid ou encore Loose Cannon).
À la batterie, on retrouve un certain Dave Grohl, qui avait déjà repris Requiem avec les Foo Fighters. Visiblement, l’affaire de plagiat autour d’Eighties et Come as You Are n’aura pas créé de rancœur.
Pour finir, j’ai eu la chance de les voir en concert en 2018 à Genève, pour leurs quarante années d’existence. Une set list consistante et un son de qualité, la légendaire nonchalance de Walker et la présence scénique de Coleman auront rendu l’expérience des plus agréables.
À noter que ce n’est pas le premier décès qui touche le groupe. Paul Raven, bassiste qui a beaucoup compté dans l’histoire de Killing Joke, est lui décédé d’une attaque cardiaque en 2007 à l’âge de 46 ans. Il était également passé par Ministry ou Prong.
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