Mes disques favoris de 2024 (1re partie : janvier → mars)

Je sais ce que vous vous dites. « Comment ça première partie ? Et de janvier à mars seulement, il va nous en faire un paquet après ça ! ». Avant que vous ne preniez la fuite, voici quelques explications.

Étant désormais dans l’incapacité totale de faire un tri entre les différents albums et EPs notables sortis chaque année (ou n’arrivant tout simplement plus à dénicher/apprécier les pépites nécessaires à la création d’un top 10 circonstancié), j’ai décidé de découper la tâche en plusieurs morceaux plutôt que de pondre un pavé interminable et inintéressant contenant une vingtaine, voire une trentaine de disques.
Ainsi est-il prévu trois parties distinctes égrainant chacune autour de 10 à 15 noms classés par date de sortie (source : Spotify). Histoire de rendre le tout pas trop indigeste, d’avoir une date de publication au premier semestre et de faire genre il se passe beaucoup de trucs par ici. Jugez plutôt.
Lovebites, Bolzenschuss (17/01/2024)
Hardcore/d-beat, Marbourg (Allemagne)
On commence en finesse (ou pas) avec l’EP Lovebites du groupe allemand Bolzenschuss. Tout au long de ces sept titres et ces plus de 16 minutes de musique on est pris dans une tornade sonore de type punk hardcore et d-beat qui défonce tout sur son passage. Mention spéciale tout de même au morceau Can’t Get You Out of My Head (rien à voir avec Kylie Minogue) qui me rappelle les dernières productions de Scowl. Dans les autres originalités, on peut noter quelques paroles en allemand (Spiesserarsch) et un chant féminin (Read My lips principalement). En bref, il y a matière à sortir de ce gros quart d’heure de déflagration sonore en transpirant.
The World is Yours, SYFF (19/01/2024)
Hardcore, Coblence (Allemagne)
Cinq titres d’une durée totale de huit minutes et seize secondes pour cet EP. Autant dire qu’écrire ces lignes m’aura pris plus de temps que l’écoute de The World is Yours. On reste d’ailleurs dans les Allemands énervés avec SYFF qui donne dans un hardcore sans concession, lorgnant allègrement vers le powerviolence au besoin. Je sortirais tout de même le morceau The Day Our Future Died du lot, celui-ci me rappelant beaucoup The Bronx avec son côté rock’n’roll.
Je terminerai cette partie avec deux clips comme illustrations. Le premier, car il me rappelle furieusement les heures passées à se tuer sur les différents opus de Tony Hawk’s Pro Skater (ici, le 3e), bien que je n’atteignais quand même jamais ce niveau d’hystérie.
Le second, car il ironise sur une spécificité allemande qui fait beaucoup rire : les piétons qui attendent inlassablement que leur feu passe au vert pour traverser, même en l’absence de véhicules à des hectomètres à la ronde.
Calculate Calamity, Dice Throw (26/01/2024)
Hardcore, Vienne (Autriche)
On reste chez les germanophones, mais basculons maintenant chez les Autrichiens de Dice Throw et l’EP Calculate Calamity. Vous commencez à en avoir l’habitude, on y trouve six titres pour tout juste plus de dix minutes d’un hardcore rapide et mélodique rappelant furieusement Champion ou Comeback Kid. Un disque sympa si on aime ce sous-genre de hardcore cathartique.
Here’s Where It All Happened, Ink (09/02/2024)
Pop punk/emo, Columbus (États-Unis)
Ohio Ohio, braves gens. Sur ce jeu de mots pourri, laissez-moi vous présenter Ink. Derrière ce nom simpliste se cache un groupe venant dudit état du Midwest. Une bande de jeunes fongueux bien décidés à nous démontrer leurs aptitudes musicales à grands coups d’harmonies vocales, soli de guitare et mélodies omniprésentes.
Here’s Where It All Happened nous délivre des sonorités pop punk/emo qui, si elles ne sont pas originales, ont le mérite d’être efficaces. Le genre de disque assez cool sur lequel on aime revenir de temps en temps, finalement.
Album autoproduit, sans label donc, et j’ai l’impression qu’il n’a pas été mis à la vente. Ni Bandcamp, ni Youtube : je vous le partage ainsi sur la plate-forme de streaming de votre choix.
Eepy, Checked-Out (13/02/2024)
Punk/emo, Californie du Nord (États-Unis)
Rebasculons sur un format un peu plus court avec les cinq morceaux que contient Eepy du groupe californien Checked-Out. L’emocore et ses variantes ne sont pas vraiment mes styles de prédilection, mais je m’y mets de plus en plus et j’arrive toujours à y trouver des choses qui me plaisent vraiment. En voici un exemple flagrant, avec cet EP bien sympathique et plein d’énergie.
Le titre Bull Mastiff est sans aucun doute mon préféré, avec son refrain bien catchy et son sens de la mélodie démoniaque. Pour la touche d’originalité, j’évoquerais l’alternance entre les différents chanteurs (je dirais qu’il y en a a minima deux, peut-être même un troisième), avec des timbres de voix et des façons de chanter bien différentes, donnant une vraie identité à chaque chanson.
Finalement, peut-on faire plus emo qu’un nom de disque qui se traduit par « angoissé » ?
Six Shots, All But Six (23/02/2024)
Skate punk, London (Ontario, Canada)
Ils sont Londoniens, mais pas Britanniques. Venant de la dénommée London dans la province canadienne d’Ontario, All But Six nous gratifie d’un EP de six titres, roulant à 180 km/h sur l’autoroute… en skate. Oui, car Six Shots rassemble tout ce qui fait le succès du style : des riffs éclairs, un chant mélodique, quelques soli toujours bien sentis, et une tendance à user et abuser du palm mute.
J’aime beaucoup Now and Then, le morceau d’ouverture qui est un beau condensé de ce qui nous attend par la suite. Comme un symbole, c’est une reprise particulièrement fidèle et encore plus speed du Ace of Spades de Motörhead qui conclut la galette. Allez, c’est le moment d’enfiler ses protections pour éviter les brûlures de l’asphalte.
Reincarnation, Simulakra (15/03/2024)
Métal hardcore, Delaware (États-Unis)
Le Delaware, minuscule état de la côte est des États-Unis, est plus connu comme paradis fiscal (il y aurait plus d’entreprises enregistrées que d’habitants recensés) que comme bastion du hardcore. Toujours est-il que Simulakra y tabasse davantage qu’un relevé d’impôt sur les sociétés. Tout au long des cinq titres et des onze minutes (et des poussières) de Reincarnation, la formation montre tout son savoir-faire. C’est lourd, brutal, bref je pourrais continuer longtemps sur le champ lexical de la démolition en bâtiment s’il le fallait. De quoi devenir une wrecking ball dans une autre vie ?
Social Grace, BRAT (15/03/2024)
Deathgrind, La Nouvelle-Orléans (États-Unis)
Si le brat summer cher à Charli XCX a été votre unique raison de vivre, je pense que vous pouvez passer votre chemin. BRAT est certainement bien éloigné de tout ça, même si la formation revendique ironiquement une esthétique girly. Donnant dans un deathgrind bien lourd, qui sait s’appuyer sur les genres limitrophes pour agrandir un peu sa palette, le groupe de La Nouvelle-Orléans ne peut renier son origine géographique et s’appuie sur des sonorités bien poisseuses comme on sait le faire depuis longtemps en Louisiane (Crowbar, Acid Bath, Down, Capra et tant d’autres, dans des styles variés).
Ainsi, Social Grace fait défiler dix titres sans compromis, à grands coups de mosh parts endiablées, de blast beats qui cassent la tête et d’un chant en mode growling incessant (je sens que je vous perds, là).
Ça dure une vingtaine de minutes, ce n’est pas vraiment savant mais ça défoule de façon appréciable.
Hoosier Style, What Counts (15/03/2024)
Hardcore, Bloomington (Indiana, É.-U.)
Bonne musique et jolie pochette : c’est un combo impeccable pour Hoosier Style, EP du groupe de l’Indiana What Counts (hoosier étant le gentilé utilisé en anglais pour désigner les habitant·e·s de cet état). Encore une fois, c’est fugace : quatre morceaux, six minutes et vingt-et-une secondes de musique. Du hardcore façon youth crew avec un côté groovy non-négligeable : la recette parfaite pour passer un agréable moment. À vous d’en faire bon usage.
Deep Sage, Gouge Away (15/03/2024)
Post-hardcore, Fort Lauderdale (Floride, É.-U.)
Quatrième sortie du 15 mars 2024 finissant dans cette liste, on peut raisonnablement parler de bon cru.
Pour bien appréhender cet album particulièrement réussi qu’est Deep Sage, il faut se pencher sur sa genèse. Fin 2019, c’est un Gouge Away au sommet de son art qui commence à se pencher sur la composition d’un nouvel opus. Un processus créatif se met en place, des démos sont enregistrées et puis patatras ! une épidémie mondiale arrive et vient mettre le holà sur ces belles intentions. Quand certains groupes se seront montrés productifs durant cette période, la formation floridienne aura au contraire connu un arrêt brutal de son activité qui se sera finalement révélé salvateur pour ses membres. Tournées éreintantes, pression démesurée qu’ils se sont eux-mêmes infligés, besoin de s’occuper des siens, bref il n’était plus question de finaliser le projet et ça avait l’air de convenir à tout le monde.
Jusqu’à la fin d’année 2021 où Christina Michelle (chant) retombe sur les démos et que l’envie de reprendre ces ébauches là où elles avaient été laissées devienne brulante. Désormais éparpillé·e·s aux quatre coins du pays, les musicien·ne·s se fixent comme QG la ville de Portland sur la côte ouest. D’ici, le travail reprendra là où il s’était arrêté et ainsi naquit Deep Sage, dont les onze titres ayant passé le cut seront enregistrés de façon analogique, dans les conditions du live (seule la chanteuse était isolée en cabine pendant que les musiciens étaient rassemblés dans une autre pièce).
Cet album reprend ainsi la recette de son prédécesseur Burnt Sugar en mêlant morceaux hardcore à ceux lorgnant davantage sur le noise rock, le grunge voire le shoegaze. Je dirais même que la formation explore encore davantage le côté « post » de son courant musical en faisant la part belle aux passages plus posés, aux riffs de guitare mélodiques et dissonants, et aux passages à la limite de l’expérimental. Gouge Away n’a jamais caché son penchant pour la scène rock alternatif des années 90 comme les Pixies bien sûr (dont une chanson porte le nom de… Gouge Away) mais aussi Nirvana, Sonic Youth et bien d’autres.
C’est donc un savant dosage de compos purement hardcore et de titres beaucoup plus éthérés. On retrouve par exemple en ouverture de disque un Stuck in a Dream bien vénèr, assez chaotique, qui finit sur un chant plus doux voire sur du spoken word. La voix de Christina Michelle est d’ailleurs un des éléments les plus marquants de leur musique tant l’émotion qui s’en dégage et les différentes façons qu’elle a de s’en servir selon les moments sont un atout (Idealized est aussi un bon exemple, tant elle sait alterner entre la mélancolie, la hargne et bien d’autres phases encore).
A contrario pour clôturer l’album, Dallas est un morceau-fleuve de plus de six minutes où le chant de sa frontwoman fait quasiment toute la magie du morceau. Sur une base musicale pratiquement minimaliste, très distordue et assez répétitive, elle commence en finesse avant de finir sur une puissance saisissante, où l’on ressent tout de suite l’émotion recherchée.
Pour ce troisième long format, Gouge Away continue plus que jamais de s’ouvrir à différents horizons et de continuer ses explorations sans s’imposer de limites claires. À voir où la suite les mènera et si iels finiront par se canaliser.
Don’t be Boring, Dynamite Shakers (22/03/2024)
Garage rock, Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée, France)
J’ai vu leurs dégaines et leurs visages juvéniles, j’ai écouté leur musique, j’ai naïvement pensé que les Vendéen·ne·s s’étaient saigné·e·s aux Libertines, voire aux Strokes. Eh bien non, les Dynamite Shakers citent plutôt des références parfois très anciennes comme les Flamin’ Groovies, les Fleshtones, les Kinks ou encore les Dogs. Tout juste la vingtaine et déjà des réflexes de vieux briscards dans le chant, le jeu de guitare, la personnalité, etc.
Grands espoirs de la scène rock hexagonale et repérés très tôt par quelques noms qui comptent dans le milieu, les voilà avec un premier très bon album – Don’t Be Boring – où, tout au long de ces dix titres, ils montrent l’étendue de leur talent. Ça avoine quand il le faut, ça sent le bon moment pour envoyer le solo de guitare qui va bien, la section rythmique parvient aussi à se démarquer à l’avenant, bref ça sonne vachement mature et carrément pas démodé.
Chaque morceau a sa personnalité en prenant bien soin d’éviter la redite, même si l’on est sur une trame de fond éminemment inspirée du son des 60’s. J’évoquerai quand même la ballade The Gates to that Sweet Song of Yours qui arrive à se démarquer nettement des autres chansons par sa tranquillité et son chant 100% féminin assuré par la bassiste.
Je peux désormais l’affirmer : non, les « secoueurs de dynamite » (mmmh) ne sont définitivement pas chiant·e·s.
Unbuild the World, Black Bomb A (29/03/2024)
Métal hardcore, Viroflay (Yvelines, France)
Je dois bien l’avouer, je ne me serais pas imaginé aimer un album de Black Bomb A en 2024 au point de le faire figurer dans un classement. Non pas que ce groupe ne me plaise plus, mais il ne fait en tout cas plus partie de mes favoris depuis un petit moment, et leurs dernières sorties ne m’avaient pas marqué outre mesure.
Pourtant, j’ai écouté leur musique en boucle des années durant, notamment Human Bomb et son successeur Speech of Freedom (bien que j’ai eu du mal à rentrer dedans). Leur style entre hardcore et thrash metal, leurs deux chanteurs aux voix diamétralement opposées ou leurs compos qui savent alterner riffs puissants, rythmiques saccadées et refrains plus calmes façon metalcore m’ont beaucoup plu à cette époque.
Depuis, des albums sûrement moins bons que les précédents et un attrait moindre pour le son du groupe m’en ont quelque peu éloigné, même si je continuais de suivre leur actualité. Et voici qu’ils reviennent avec ce très bon Unbuild the World, fidèles à leur recette. Ça cogne fort, ça joue vite, et ça hurle dans tous les coins (mais pas que). On retrouve la complémentarité du duo Poun-Arno qui sévit sur la plupart de leurs productions : un chant suraigu, parfois nasillard, d’autre fois clair ou rappé d’un côté, une voix ultra-caverneuse et puissante ne changeant pratiquement jamais de registre de l’autre.
Mais comme j’avais tendance à le constater sur leurs précédents opus, l’album commence à s’essouffler en arrivant sur les derniers morceaux. Là, je dirais qu’on a une excellente première moitié d’album, tandis que la seconde moitié aura beaucoup moins attiré mon attention.
Néanmoins, ça s’écoute très bien dans sa globalité. Quoi qu’il en soit, il y a vraiment de quoi souligner la constance du groupe, de ses débuts à aujourd’hui, lui qui n’aura jamais trahi son style de prédilection.
Our Decisions, Frustration (29/03/2024)
Post-punk, Paris (France)
Plus de 20 ans d’existence pour les Parisiens de Frustration mais je crois bien que je les ai seulement découverts en cette année 2024. Pourtant, ils évoluent dans un style qui me parle pas mal, même si je suis loin de tout apprécier (et de tout écouter).
Ainsi, Our Decisions est un album de post-punk très plaisant, où quelques titres en français côtoient une majorité de morceaux chantés en anglais. On y retrouve de nombreux ingrédients typiques du genre : batterie martiale, guitare incisive, basse claquante, synthé oppressant et pas trop encombrant, chant paniqué… Ce que j’en dis, c’est que ça me fait fortement penser au premier album de Killing Joke, et ce n’est évidemment pas pour me déplaire.
À l’écoute de cet album, ça n’a donc pas été la frustration qui m’aura envahi (mouarf).
C’en est donc fini de ma liste de disques préférés sortis au premier trimestre 2024. Les deux autres parties qui couvriront le reste de l’année devraient suivre, j’implore dès lors votre patience et votre compréhension. En attendant, n’hésitez pas à (ré)écouter les jolies sorties qui remplissent ce top.
Retrouvez la 2e partie ici.
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