Hank Von Helvete ne sera plus là pour raconter ses histoires de destruction et ça me rend triste
Quelle tristesse encore que d’apprendre le décès d’un artiste qui aura beaucoup compté dans une vie. Hank Von Helvete, aussi appelé Hank Von Hell et par tout un tas d’autres surnoms, est décédé le 19 novembre denier à l’âge de 49 ans. Si sa famille a confirmé le décès, elle n’en a pas communiqué la raison.
Dans le civil, il s’appelait Hans-Erik Dyvik Husby, il était Norvégien et aura été durant de longues années le charismatique chanteur du groupe Turbonegro (connu aussi sous les noms TRBNGR ou Turboneger dans son pays d’origine). Formé en 1989 à Oslo et toujours en activité depuis, Hank en a été le frontman de 1993 à 2009.
S’il n’a jamais été le vocaliste le plus doué, il n’en reste pas moins une légende du rock. Un charisme reconnu et amplifié sur scène, un style reconnaissable entre mille (cheveux longs et barbe fournie noir corbeau, embonpoint assumé, maquillage et accoutrement extravagants, etc.) et une faculté à trouver le bon mot ou le trait d’esprit qui décontenançait tout le monde.
Si je devais vous décrire Turbonegro, je dirais qu’il s’agit d’un savant mélange entre un punk des plus primaires et un hard rock typique de la scène scandinave. Le tout saupoudré de glam rock pour l’esthétique et poussé par un bon gros son qui chaufferait n’importe quel stade. En gros, on est quelque part entre les Ramones, les Stooges, Kiss, Alice Cooper et les groupes nordiques de la même génération (Hellacopters, Gluecifer, The Hives, etc.). Ils n’hésitent d’ailleurs pas à catégoriser leur musique comme « deathpunk ».
L’une des particularités des Norvégiens, c’est leur esthétique homoérotique à base de denim moulant façon Tom of Finland, comme si les Village People avaient été possédés par le diable. Elle a été choisie pour « faire peur » : à cette époque où le black metal le plus radical défrayait la chronique par l’attitude de ses groupes phares et de ses fans, la vision d’hommes gays serait la seule chose qui pourrait les effrayer.
Les thématiques de leurs chansons manient principalement l’ironie, en plus de souligner un goût prononcé pour l’humour potache et la provocation. Elles évoquent bien sûr les relations sexuelles entre homme, mais aussi la fête et ses excès ou encore le chaos/la destruction/l’apocalypse, choisissez le mot qui convient le mieux. Groupe calibré pour le live, il a su se faire une solide réputation à travers l’Europe et les USA, enchainant les tournées fleuves lors de ses années fastes et trainant derrière lui une armée de fans dévoués et reconnaissables.
Si vous fréquentez les salles de concert ou plus sûrement les festivals, vous avez déjà dû remarquer ces personnes habillées d’un gilet de jean arborant une casquette estampillée « Turbojugend » suivi du nom d’une ville. Le Turbojugend est en effet un réseau de fan clubs qui a prospéré sur tout le globe. Il est même devenu un véritable groupe d’entraide ou d’échange autour de la musique et de passions communes. Ses membres sont particulièrement fiers de s’afficher avec le logo de leur groupe préféré et de mettre en avant leur ville d’origine.
Pour en revenir au groupe en lui-même, j’ai appris à le connaître particulièrement grâce aux albums Apocalypse Dudes et Party Animals (respectivement sortis en 1998 et 2005). Bien que n’ayant pu monter dans le train dès 98, Apocalypse Dudes est depuis devenu un de mes disques préférés. Ce classique – car je pense qu’on peut le définir ainsi – a véritablement tout pour plaire aux fans de rock burné : du gros riff à s’en décoller les tympans, des soli de guitare absolument mortels, incessants et qui apportent une dimension cosmique aux morceaux, des refrains chirurgicaux qui donnent envie de les scander comme des hymnes… Bref, tout ce qu’il faut pour faire un album parfait du premier au denier morceau. Et je rajouterai à ça des noms de morceaux qui me feront toujours rigoler : Rock Against Ass, Don’t Say Motherfucker, Motherfucker, Rendezvous With Anus, Prince of the Rodeo, etc.
Que dire de plus sur cet album génial ? Je crois que je pourrais écrire un article entier rien que sur lui, sur ses morceaux et sur le jeu de guitare absolument époustouflant d’Euroboy. Sous ce sobriquet se cache un véritable virtuose, qui enregistra là son premier disque pour le groupe.
Allez, pour le plaisir, je vais quand même vous toucher quelques mots sur le morceau d’ouverture, The Age of Pamparius. Fermez les yeux, et laissez-vous bercer par son introduction qui monte crescendo et qui fait déjà cracher les guitares. Ensuite, reprenez un peu de souffle sur la voix chuchotante du bassiste Happy Tom, puis prenez la déflagration en pleine tête. Vous vous surprendrez à hurler « woh oh woh oh woh oh oh » avant de vous délecter de chaque refrain, du pont et ses harmoniques façon Big Ben jusqu’au final en apothéose de ce chef-d’œuvre vantant les mérites d’une… pizzeria. Eh oui, on peut simplement parler de bouffe et nous pondre l’un des bangers les plus incroyables du rock avec ça.
Dès 1999 pourtant, le groupe se met en hiatus suite aux problèmes de dépression et d’addictions multiples – dont la plus importante est l’héroïne – qui pourrissent la vie de son chanteur. Après une cure de désintox et un retour aux sources dans sa région natale, il remonte sur les planches entouré de ses camarades en 2002. Entretemps, l’effet Apocalypse Dudes s’est fait sentir, et Turbonegro accède au statut de groupe culte.
Trois nouvelles sorties suivront avant que ce bon vieux Hank décide de « changer de vie » en quittant la formation avec qui il aura acquis ses lettres de noblesse. Il sera dès lors remplacé par Tony Sylvester, ancien président du Turbojugend Londres et au timbre de voix bien différent.
Suite à son départ, il sortira un album avec le supergroupe Doctor Midnight & The Mercy Cult (I Declare : Treason en 2011), et deux avec son projet solo (Egomania en 2018, Dead – sic – en 2020). A côté de ça, il aura eu le temps de jouer dans un film, d’être juré pour la version norvégienne de la Nouvelle Star ou encore d’être l’un des candidats proposés pour représenter la Norvège à l’Eurovision…
Avec tout le respect que je dois (et que nous devons tous) au chanteur actuel de Turbonegro, je pense qu’il ne fera malheureusement jamais le poids face au mythe Hank Von Hell. C’est une icône qui, par son sens du texte et son jeu de scène, a su propulser le groupe dans une autre dimension. J’ai eu la chance de me faire rouler deux fois dessus par ces joyeux lurons en concert, et je nourrissais le secret espoir de les revoir un jour avec Hank Von Helvete à leur tête. Hélas, le destin en aura décidé autrement…
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